EN PLEIN COEUR

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En 1998, 40 ans après la sortie de En cas de malheur, le film de Claude Autant-Lara interprété par Jean Gabin, Brigitte Bardot, Edwige Feuillère et Franco Interlenghi, Pierre Jolivet en réalisa le remake, intitulé En plein cœur, avec Gérard Lanvin, Virginie Ledoyen, Carole Bouquet et Guillaume Canet.

Banlieusardes sans le sous, Cécile et son amie Samira ont décidé de braquer une bijouterie. L’affaire tourne mal. Samira est arrêtée, alors que Cécile, elle, parvient à s’échapper. Dans un portefeuille volé précédemment, elle trouve l’adresse de Maître Farnese, dont elle ne pourra acquitter les honoraires qu’en payant de sa personne. Ce troc minable débouche bientôt sur une véritable histoire d’amour.

S’il s’agit toujours ici de l’attirance d’un homme mûr pour une très jeune fille, c’est l’accent porté sur les origines communes du riche bourgeois et de la banlieusarde paumée qui décida Pierre Jolivet à tourner ce remake. S’éloignant de Simenon et d’Autant-Lara, En plein cœur met en scène, en effet, un avocat riche et célèbre revenant en Seine-Saint-Denis, sur les pas de son enfance. A propos de sa jeune cliente et maîtresse, il lancera à sa femme : « Elle c’est moi. Moi... si j’avais eu moins de chance !  »

 
Dans le même genre vous pouvez trouver EN CAS DE MALHEUR (1958) (Première adaptation cinématographique du roman de Georges Simenon. Gabin/Bardot, avant Lanvin/Ledoyen.) ou encore TROP JEUNE POUR ELLE ! (A 40 ans, Rosie, productrice de télévision, va tomber sous le charme d’un jeune comédien...).

C’est Alain Goldman – futur producteur de la Môme – qui fit lire à Pierre Jolivet la nouvelle adaptation du roman qu’avait écrite sa femme, Roselyne Bosch – future réalisatrice de la Rafle. Jolivet, qui n’avait pas lu le livre de Simenon, ni vu le film d’Autant-Lara, éprouva immédiatement un véritable coup de cœur, jugeant ce scénario « tumultueux », rempli « de sentiments violents et contradictoires. » Si on le compare au film sorti en 1958, de nombreux changements sautent aux yeux, et pas seulement le dénouement final, beaucoup moins dramatique dans le remake. En 1998, Carole Bouquet, l’épouse trompée, n’est plus, comme Edwige Feuillère l’était, le prototype de la riche bourgeoise insatisfaite, oisive et sans enfants, soignant ses migraines à l’ombre d’un mari fortuné, mais bien une ʺexecutive womanʺ partagée entre sa lucrative carrière professionnelle et ses dons artistiques.

De même, alors que Bardot jouait le rôle d’Yvette, une bien peu farouche jeune fille se livrant, de temps à autre, à la prostitution, on imagine mal la fière et libre Cécile, incarnée par Virginie Ledoyen, monnayer ainsi ses charmes. Si l’une et l’autre veulent s’en sortir, Yvette fonctionnait à l’instinct : « Je suis une petite femelle, il faut me laisser faire ce que j’ai envie », lançait-elle à Gabin. Alors que Cécile semble répondre à une logique de classe sociale. Elevée comme une fille des années 1980-1990, elle apparaît plus mûre, plus sûre d’elle et beaucoup moins dépendante des événements et des hommes. Une autre substantielle modification concerne les relations triangulaires et libertines nouées entre le vieil avocat, sa maîtresse et l’amie de celle-ci. Ces jeux érotiques à trois sont très explicitement décrits par Simenon, furtivement évoqués chez Autant-Lara et totalement absents du film de Jolivet !

On n’oubliera pas, enfin, qu’en mars 2010, France 3 diffusa une troisième version du roman, réalisée par Jean-Daniel Verhaeghe. Reprenant l’intrigue simenonienne, l’audacieux scénariste, Jacques Santamaria, en bouleversait pourtant le classique schéma. En effet, le célèbre avocat d’âge mûr est, ici, une célèbre avocate (Line Renaud, 81 ans) qu’une de ces jeunes clientes (Mélanie Bernier, 25 ans) fait chavirer pareillement.

Plutôt partagé. Le scénario est prévisible, les ficelles classiques, des personnages irritants de naïveté. Ledoyen sonne faux, son personnage, principal rouage de l'ensemble, est ambigu au possible. Mais comment rester de marbre devant l'interprétation de Lanvin, très juste, ...