ERRANCE

en VOD

En 2001, la mannequin vedette Lætitia Casta décidait d'imprimer un tournant décisif à sa carrière en devenant actrice. Ce fut tout d'abord Raoul Ruiz (pour Les âmes fortes), puis Patrice Leconte (pour Rue des plaisirs), qui la sollicitèrent, sans que le succès soit au rendez-vous.

Errance marque ses premiers pas dans un cinéma d'auteur plus radical et marginal. Et Damien Odoul, auteur impulsif et jusqu'au-boutiste, ne la ménage guère ! Néanmoins, il est parfois possible de sentir planer sur sa jolie présence physique l'ombre de la débutante Brigitte Bardot. Car, situé entre 1968 et 1973, Errance propose une reconstitution habile et un brin nostalgique de ces années charnières : DS, minijupes, rock n' roll, ORTF et pattes d'éléphant !

La société rurale française se reconstruit lentement, tentant d'oublier les lourds traumatismes provoqués par la Guerre d'Algérie, en intégrant difficilement les nouveaux codes sociaux créés par la libération des mœurs et l'émancipation des femmes.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver PANIQUE À NEEDLE PARK (JERRY SCHATZBERG, USA-1971) ou encore LES LIENS DU SANG (JACQUES MAILLOT, FRANCE-2007) .

Son premier film, Le Souffle, avait créé la surprise à Venise en 2001, en remportant plusieurs prix. Damien Odoul s'affirmait comme l'un des grands espoirs du cinéma d'auteur français. On découvrait un ton réellement singulier : justesse aride, énergie brute, cadre rural et rejet d'une construction rigide pour laisser respirer ses personnages. On retrouve ces éléments de style dans Errance, mais Odoul pousse plus loin son goût pour l'extrême, la rage ou le sexe, et semble se réjouir du malaise qu'il provoque régulièrement chez le spectateur.

Par exemple lors des apparitions de ce frère incontrôlable. Cet enchaînement de scènes drues peut provoquer un sentiment d'écriture et de direction d'acteurs insaisissables. Par la suite de sa carrière, Odoul assumera plus encore cette énergie dérangeante. En attendant le déluge où il se met lui-même en scène aux côtés de Pierre Richard et Anna Mouglalis, est un film volontiers foutraque, s'autorisant tous les coq-à-l'âne et les numéros d'acteurs. Quant à L'Histoire de Richard O., c’est une œuvre qui aborde frontalement la sexualité. Une femme y met en scène son propre viol et son héros, campé avec conviction par Mathieu Amalric, s'y livre à mille expériences sexuelles.

Provocation, dérision, absurde, émotions fulgurantes : Odoul ne se bride plus. Dans Errance, c'est Benoît Magimel, grand amateur de personnages extrêmes, qui porte ce goût de l'outrance. Il se compose une silhouette ingrate, apparaît bedonnant et affublé d'une démarche lourde et maladroite. Le contraste avec la raideur lisse de Lætitia Casta est d'autant plus saisissant. Pourtant, pour Odoul, cette expérience actorale fut douloureuse et précipita son auto-marginalisation volontaire hors de l'industrie cinématographique.