HEADSHOT

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"Headshot", cela veut dire " tir dans la tête". C'est exactement ce qui arrive au héros malheureux de ce polar stylisé et original. Tul est un policier tentant de lutter contre la corruption qui s'est emparée de la Thaïlande. Mais il est bientôt accusé d'un crime qu'il n’a pas commis. Dégoûté, il rejoint une équipe de tueurs éliminant ceux qui outrepassent les lois. Lors d'une mission, il reçoit donc la  balle dans la tête du titre. Il survit à la blessure, mais désormais, il voit le monde à l'envers.  Oui, oui littéralement : têtes en bas, pieds vers le ciel, et le spectateur lui-même de perdre ses repères...
Le réalisateur brouille les pistes non seulement par cette idée de mise en scène mais aussi par la complexité d'un récit émaillé de nombreux flash-backs qui font que le spectateur doit tenter de reconstituer la narration au milieu d'un labyrinthe d'images.  Mais le plaisir est aussi de se laisser perdre dans les méandres de ce film noir,  après tout pas plus compliqué que ne pouvait l'être Le Grand Sommeil avec Humphrey Bogart, une des références cinématographiques souvent citée par l'équipe du film.
Ce polar thaïlandais n'a rien à envier aux meilleurs films de Hong Kong de ce type. Ainsi, dans la catégorie fusillade originale, genre dans lequel les chinois sont passés maître, Headshot en propose plusieurs, que ce soit dans une usine ou dans une forêt dégoulinante de pluie. Mais contrairement aux films hong-kongais parfois très secs dans leur approche, ce polar est innervé de spiritualité et de bouddisme. Selon la philosophie bouddhiste, la vie de l'homme ne représente qu'une fraction infime de temps au milieu de cycles de réincarnations. C'est au fond ce qui arrive au héros qui doit sans cesse se réinventer en fonction des circonstances de la vie. Headshot réussit l'exploit d'être à la fois brutal et mystique.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver THE MISSION (Une équipe d'anciens gangsters est réuni pour devenir l'équipe de protection d'un parrain chinois. Un polar abstrait aux fusillades impressionnantes.) ou encore SLICE (Un polar thaïlandais suivant la traque d'un tueur en série et embauche pour cela un ancien tueur à gages.).

Le réalisateur Pen-ek Ratanaruang a débuté sa carrière comme réalisateur de films publicitaires. Il a étudié l'histoire de l'art en Angleterre avant de se diriger vers l'audiovisuel. Il fondera même une agence de publicité en Thaïlande. Il tourne en 1996 son premier long métrage Fun Bar Karaoke, auréolé du prix du jury au Festival des Trois continents de Nantes. Son troisième film Monrak Transistor sera sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes mais reste inédit en France. Ce qui ne sera pas le cas de Last life in Universe , Ploy ou Vagues invisibles. S'il œuvre dans des genres très différents, du thriller au cinéma fantastique, tous ses films sont empreints de mysticisme et de bouddhisme. Headshot est son neuvième film.
Headshot est tiré d'un livre de Wyn Lyovarin, intitulé en anglais "Rain falling up the sky". Cet auteur a une très forte notoriété dans sa terre natale la Thaïlande et il a reçu de nombreuses récompenses pour ses livres, dont beaucoup  sont des recueils de nouvelles. Wyn Lyovarin a étudié l'architecture, il est d'ailleurs architecte en parallèle à son activité d'écrivain. A 20 ans il part travailler aux Etats Unis dans des agences publicitaires. Cette expérience américaine aura une influence déterminante dans sa vie et c'est là-bas qu'il découvre les romans noirs de Raymond Chandler ou Dashiell Hammet qui joueront un rôle important dans la rédaction de Headshot. En France, un recueil de quatre de ses nouvelles est disponible en édition électronique.
Headshot est une production d'envergure. Pourtant le film n'a été distribué que dans une dizaine de salles dans son pays d'origine, et quasiment toutes à Bangkok. Une grosse sortie se résume là-bas souvent à une cinquantaine de salles. Les producteurs pensaient que le public serait essentiellement jeune et urbain, et c'est pour cela que seule la capitale fut choisie. L'accueil à l'étranger sera bien meilleur, notamment en France, et le film sera présenté avec succès au festival du cinéma asiatique de Deauville ainsi qu'au festival du film policier de Beaune.

Le canon du gun mystique plaqué contre sa hanche lui procure une sensation de puissance. Sans trembler, le bon flic dégaine et presse sur la détente *BAM* *BAM* les balles transpercent les chairs, les corps vibrent et s'effondrent, la rage de vivre l'habite, dégouline de sa ...

On se questionne sur la morale et le sens et de sa propre vie. On regarde béatement la pluie tomber (le film est très beau). C'est sanglant et pourtant de la violence naît un sentiment d'apaisement. De même, une certaine humilité découle de l'usage (très intelligent) de ...

Ceux qui comme moi ont apprécié l'étrange "Last Life in the Universe" risquent de prendre un plaisir similaire devant cet étrange polar noir de l'instable Pen-Ek Ratanaruang. C'est au film noir que s'attaque le thailandais, avec une histoire pour le moins intriguante puisqu'elle ...