HÔTEL SINGAPURA

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Eric Khoo, qui avait été notamment révélé à Cannes avec son long métrage Be With Me en 2005, présente avec Hôtel Singapura un film composé de huit sketchs tous se déroulant dans un même endroit, la suite 27, et tournant autour du sexe, de l’amour et du temps.

Des amants interdits qui passent leur dernière nuit ensemble à un Thaï transgenre qui s’apprête à changer définitivement de sexe en passant par une mère maquerelle ultra-pop ventant la puissant du sexe féminin et une histoire d’amour platonique entre un musicien agacé par sa vie et une jeune femme de chambre, Hôtel Singapura multiplie les histoires pour mieux raconter l’évolution de la société singapourienne.

Différentes timelines, différents personnages mais un seul et unique lieu : c’est le concept du film du réalisateur singapourien qui tente ainsi de répondre à une question qu’il se posait, et que d’ailleurs beaucoup d’autres partagent y compris ma personne : que se passe-t-il derrière les portes closes des chambres d’hôtel ?  

 
Dans le même genre vous pouvez trouver GROOM SERVICE D'ALLISON ANDERS, ALEXANDRE ROCKWELL, ROBERT RODRIGUEZ ET QUENTIN TARANTINO (Pour le lieu, l'hôtel et la chambre d'hôtel, l'idée du fil conducteur et les histoires différentes qui se succèdent.) ou encore 2046 DE WONG KAR-WAI (Pour l’ambiance hôtel et la question : que-reste-il de nos amours ?).

L’hôtel est un lieu privilégié du cinéma. A l’instar du train ou de la route, il est cet endroit de passage où toutes les histoires sont possibles. De Shining à The Grand Budapest Hotel en passant par Psychose et 2046, qui en est la quintessence et dont le film d’Eric Khoo se rapproche le plus et à qui il rend même hommage, nombreux sont les longs métrages qui ont pris pour décor ce lieu à priori sans âme où l’anonymat est gardé par des murs génériques et l’éphémèrité de la présence. Hôtel Singapura est de ceux-là en s’intéressant à une chambre spécifique : la suite 27. Elle est hantée par ce musicien suicidé par overdose qui contemple avec une infinie douceur et une grande compassion les différents couples passer et s’ébattre. Car le sexe est ici bien au centre de l’histoire.

Mais Eric Khoo n’a pas pour objectif de réaliser un porno déguisé en film d’auteur. Avec ses différents personnages et récits, le réalisateur offre un portrait de la société singapourienne et de son évolution dans le temps. Seuls les occupants, la musique et la décrépitude de l’hôtel viennent attester de ce passage, par paliers, des années 40 à un futur proche. Leurs pratiques montrent bien les changements qu’a pu subir la société locale avec, par exemple, un couple gay illégitime des années 40, juste avant l’invasion de Singapour par les Japonais ou la femme des années 60 forte et en pleine libération sexuelle ou encore cette jeune femme des années 2000 qui enchaîne les partenaires sans connaître l’orgasme. Un projet assez fou qui fait aussi que Hôtel Singapura est considéré comme le premier film érotique de Singapour, la censure là-bas y étant encore très développée.

Le film donne la sensation d’une succession de courts métrages autour d’un thème récurrent mais ce n’est pas la première fois qu’Eric Khoo se permet ce mélange des genres et des styles. Il l’avait notamment déjà fait dans Be With Me, présenté en 2005 à la Quinzaine des réalisateurs où le cinéaste glissait d’un genre cinématographique à un autre, passant de la comédie romantique au fantastique, se terminant même sur un portrait documentaire. Un exercice de style auquel le réalisateur ajoute ici un fil rouge avec la présence du fantôme Damien et celui de la femme de chambre Imrah, témoins des changements et personnification du spectateur, observateur mais jamais voyeur. A noter d’ailleurs que le personnage du musicien Damien est basé sur Damien Sin, scénariste du premier film d’Eric Khoo, Mee Pok Man, lui aussi mort d’une overdose et à qui le film est dédié.

Déroutant lors des premières minutes, ce film peut de premier abord ressembler à un ovni non maîtrisé. Mais une fois les deux premières saynètes passées, le film se dévoile et l'on comprend que la mise en scène se veut le reflet de l'époque dépeinte. Si le jeu des acteurs ...