IT MUST BE HEAVEN

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De quoi s’agit-il en fait ? Est-ce un film, un essai philosophique, une farce lucide sur notre époque, un délire de cinéaste, un pamphlet politique ? Et si c’était en fait un peu de tout ? Et si j’arrêtais de vous poser des questions pour apporter des réponses ? It must be heaven est d’abord un grand film signé Elia Suleiman, cinéaste arabe, israélien de naissance qui se revendique palestinien.

C’est aussi une balade entre Jérusalem, les territoires occupés, Paris et New York. Un itinéraire durant lequel Suleiman incarne Elia Suleiman, réalisateur à la recherche de financement pour tourner son prochain long métrage mais surtout d’une nouvelle terre d’accueil. Son constat sera à la fois comique et tragique : partout il constate la même chose et découvre un monde absurde qui cherche lui-même des réponses aux grandes interrogations de notre temps sur l’identité, la nationalité et l’appartenance.

It must be heaven est divinement filmé, remarquablement écrit, formidablement interprété par Elia Suleiman et sa bouille de clown triste…

 
Dans le même genre vous pouvez trouver PARIS TEXAS (Wim Wenders comme Elia Suleiman utilisent le thème universel de l'errance, (familiale ou identitaire), pour voyager et se questionner...) ou encore PLAYTIME (Peu importe la destination : le voyage est toujours le moyen de se rendre compte que l'on n'est jamais vraiment quelque part chez soi...).

It must be heaven avait été une des dernières très bonnes surprises du Festival de Cannes 2019, édition particulièrement relevée. Le film d’Elia Suleiman y avait reçu une mention spéciale du jury amplement méritée, saluant le travail du réalisateur, capable de manier au cœur d’un même récit le désespoir des peuples sans patrie et la dérision parfois surréaliste du poète. Par le passé, la Croisette avait déjà récompensé le cinéaste en lui décernant le prix du jury en 2002 pour Intervention divine. Deux autres de ses longs métrages avaient également été accueillis dans la compétition cannoise : Cyber Palestine à la Quinzaine en 2001 et Le temps qu’il reste en 2009 dans la sélection officielle…

Vous l’avez vu, certaines des situations de It must be heaven ne sont pas sans rappeler un autre metteur en scène qui a si bien su croquer son époque et même en devancer les travers, je veux parler de Jacques Tati. Le personnage de Suleiman est une sorte de lointain cousin de M.Hulot dont Les vacances en 1953 montraient une communauté de vacanciers le temps d’un été au bord de la mer, chacun révélant des obsessions, ses manies mais aussi la dérive d’une société d’après-guerre en train de découvrir avec appétit les joies du capitalisme et de la consommation. Un thème que Tati explora à nouveau en 1958 dans Mon oncle, œuvre visionnaire se déroulant à l’intérieur d’une maison futuriste bardée de gadgets tous plus innovants et inutiles les uns que les autres, à la grande fierté de son propriétaire industriel… 

Tati comme Suleiman ont chacun puisé leur inspiration auprès des grands maîtres du cinéma muet qui avait déjà tout imaginé, tout montré, tout dénoncé… Revoir Les temps modernes de Charlie Chaplin, Le caméraman de Buster Keaton, Metropolis de Fritz Lang, Monte là-dessus avec Harold Llyod ou Le cuirassé Pontemkine de Serguei Eisenstein c’est plonger dans le passé d’un autre siècle mais nous voir aussi comme dans un miroir…

Paris est sublime, mais Elia Suleiman n'est pas dupe. La pyramide du Louvre, Notre-Dame (encore charpentée) sont là. Les passantes ressemblent à des mannequins de publicité. Les quais sont propres et fleuris. Mais voilà : nous sommes le 14 juillet. Des tanks traversent la ...

Depuis la découverte enchantée de son "Intervention Divine" en 2002, il faut bien avouer que le cinéma d'Elia Suleiman n'a pas changé, si ce n'est qu'il s'est même encore (apparemment...) dépolitisé - une dépolitisation qui lui est clairement reprochée par les défenseurs ...

Pas moins de 10 ans après la sortie de son dernier film, Elia Suleiman nous invite, dans It must be heaven, à le suivre à travers une déambulation urbaine qui le conduira à Paris puis à New York. A Paris, la cadence infernale des jambes des parisiennes battant le pavé ...