JE SERAI SEULE APRÈS MINUIT

en VOD

Alors que la crise économique américaine de 1929 commence à se répercuter sur le reste de la planète, l’industrie française du spectacle préfère refléter ce qu’il reste encore d’insouciances d’entre deux guerres. Le ton des pièces, opérettes ou film est donc à la légèreté, voire à la frivolité. Je serai seule après minuit joue même la carte de la fantaisie la plus débridée.

Autour de la revanche de l’épouse d’un mari volage qui dépasse ses espérances quand les amants potentiels sont de plus en plus nombreux à se manifester, Je serai seule après minuit, transforme une pièce de boulevard en marivaudage échevelé, qui égratigne gentiment la morale.

Entre la pétillance d’un Lubitsch et le naturalisme poétique d’un René Clair, Je serai seule après minuit, perle oubliée du cinéma français des années 30, rappelle sa production de comédies enlevées, aussi sophistiquées que bon enfant, aériennes comme les ballons lâchés au vent par cette épouse en quête d’adultère.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver NUITS BLANCHES À SEATTLE (Une histoire d'amour pas comme les autres : c'est grâce à la radio que Meg Ryan et Tom Hanks tombent amoureux.) ou encore LE BALLON ROUGE (Parce que, comme son titre l'indique, ce film a pour personnage principal un ballon, qui devient l'ami d'un petit garçon. Ensemble, il se promènent dans Paris.).

En 1930, Jacques De Baroncelli, cinéaste parmi les plus prolifiques de l’époque, vient de mettre les dernières touches à L’Arlésienne, qu’il a voulu comme un hommage aux traditions de sa Camargue natale, mais aussi son initiation au cinéma parlant. Baroncelli a toutefois une grande crainte : que le grand public dédaigne le film, une commande de Pathé, énième adaptation du classique d’Alphonse Daudet. Le réalisateur décide de fuir l’aspect trop littéraire en incorporant de nombreux morceaux de musique mais surtout des chants provençaux.

Au même moment, il lui est proposé de filmer une adaptation d’une opérette d’Albert Jean qui fait rire le tout-Paris. Si Baroncelli est alors un des pionniers français du cinéma sonore, la technique ne lui parait pas encore assez fiable pour reprendre toutes les chansons du spectacle, il opte pour deux solutions : sortir les personnages d’un contexte clos pour filmer leurs déambulations dans Paris, et demander à ses scénaristes de rendre plus dialogués les passages chantés. Face à ces séquences, les scènes parisiennes, chargées d’aérer l’intrigue, seront quasi-muettes, pour un film assumant des ruptures de ton.

Parmi les auteurs chargés de l’adaptation, il y a Pierre-Gilles Veber, voué aux mécanismes du théâtre car fils de dramaturge et neveu de Tristan Bernard. Le futur père de Francis Veber, autre orfèvre des comédies rythmées, travaille avec un jeune auteur de sketches, et auteur de paroles d’opérettes à ces heures, un certain Henri-Georges Clouzot. Je serai seule après minuit, lui met le pied à l’étrier du cinéma, mais surtout le lie avec Jacques De Baroncelli, qui lui rendra la politesse en écrivant dès l’année suivante son premier (et unique) court métrage, La terreur des Batignolles. Si c’est une comédie, on y distingue déjà certaines thématiques du réalisateur des Diaboliques ou du Salaire de la peur. Comme quoi, il faut toujours prendre au sérieux les batifolages du marivaudage.