L'ENFANT

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C’est alors qu’ils tournaient Le Fils, leur précédent film (et 5ème fiction) en 2002, que Jean-Pierre et Luc Dardenne ont vu à plusieurs reprises une scène qui les a marqués au point de devenir le point de départ de L’Enfant : une adolescente, marchant à pas rapides en poussant, presque brutalement, un landau. De cette image est née ce sixième long métrage qui devait, six ans après Rosetta, leur apporter, en mai 2005, leur deuxième Palme d’Or au Festival de Cannes.

Qui est l’enfant du titre ? Cette très jeune femme, Sonia, dix-huit ans à peine, incarnée par Deborah François ?  Ou bien le bébé de neuf jours, Jimmy, qu’elle serre contre elle en cherchant de par les rues d’une ville grise de Belgique (en l’occurrence Seraing, dans la province de Liège) le père de celui-ci ? Ou bien est-ce lui, l’enfant, malgré ses vingt ans, ce Bruno (remarquable Jérémie Renier) qui semble passer son temps à chercher de l’argent, à voler et revendre des objets, et avec lequel Sonia joue comme s’ils étaient deux chiots, se faisant tomber, se mordillant, se frottant l’un à l’autre ?

En longs plans séquence insérant les personnages dans une réalité de ville ouvrière désertée par le travail, traversée par un fleuve, des ponts, des voies rapides et de longues rues commerçantes où une boutique sur deux semble fermée, Jean-Pierre et Luc Dardenne suivent au plus près les faits et gestes de leurs protagonistes. Un autre enfant s’y adjoint, un gamin de quatorze ans qui est le comparse de Bruno dans ses larcins. Toute la question du film, jamais pesant, toujours bienveillant, est de savoir qui va grandir et comment. Et L’Enfant captive comme un documentaire, passionne comme un thriller, bouleverse comme un mélo…

 
Dans le même genre vous pouvez trouver JUNO DE JASON REITMAN (2008) ("Juno" , comme "L'Enfant" est un drame qui se pose la question de ce qui peut arriver lorsqu'une jeune femme, encore enfant elle-même, attend un bébé...) ou encore APOCALYPSE NOW DE FRANCIS FORD COPPOLA (1979) (C'est le film qui a permis à Coppola de remporter à Cannes sa seconde Palme d'Or, après Conversation secrète, comme "L'Enfant" est la seconde Palme d'Or des frères Dardenne, après Rosetta.).

Même si Sonia est la plus jeune dans le couple qu’elle forme avec Bruno dans L’Enfant, elle est LA MÈRE, celle qui, son enfant serré contre elle, perçoit dans sa chair ce que cette nouvelle responsabilité induit pour sa vie future. Bruno, chien fou sans cesse en mouvements et au cœur de tractations financières concrètes a uniquement conscience de l’urgence à trouver de l’argent. Ces billets sont parfois dépensés aussitôt qu’il les a dans les mains. Pour un blouson semblable au sien offert à Sonia, ou une balade en voiture décapotable avec sa princesse. En revanche, il ne sait pas ce qu’être père signifie. Et d’ailleurs, longtemps, trop longtemps, il ne veut pas le savoir. Au point de ne pas voir l’épouvantable horreur dans son geste de vendre cet enfant. Même en vue d’une adoption par une famille riche, qui le mettra à l’abri. « Qu’est-ce que je t’ai fait ?, demande-t-il à Sonia, j’ai pensé qu’on en ferait un autre… »

Si la question de la paternité hante beaucoup des films des frères Dardenne, de La Promesse au Gamin au vélo en passant par Le Fils et L’Enfant, celle de la prise de conscience appartient à toutes leurs fictions. Elle est inhérente aux histoires qu’ils racontent, même les plus sombres, à l’espoir qu’ils y insufflent, presque obligatoirement, à la force de vie irradiant chaque plan. Caméra à l’épaule, Jean-Pierre et Luc Dardenne filment des petits soldats obstinés avançant coûte que coûte. Et le chemin parcouru énergiquement par les corps révèle aussi, peu à peu, une avancée dans les têtes. Souvent plus lente, voire tardive.

C’est Rosetta (Emilie Dequenne) luttant âprement pour s’en sortir dans le film qui porte son nom, ou Sandra (Marion Cotillard) obligée de persuader ses collègues de l’usine de renoncer à leur prime afin qu’elle conserve son emploi dans Deux jours, une nuit, c’est Jenny (Adèle Haenel) médecin recherchant l’identité d’une femme à laquelle elle n’a pas ouvert sa porte et qui a été retrouvée morte dans La Fille Inconnue, ou encore Ahmed (Idir Ben Addi) aveuglé par sa foi nouvelle en l’Islam dans Le Jeune Ahmed. Tous ces êtres faillibles, attachants, imparfaits, humains en somme, forment la galaxie des personnages qui habitent le cinéma des Dardenne. Et le font palpiter…

Film social centré sur un jeune couple marginal, démuni qui vient d'avoir un enfant et dont la préoccupation première est de survivre coute que coute d'où les petits traffics du jeune père. Comme dans Rosetta, on suit les personnages avec une grande proximité, on est dans ...

Les frères Dardenne affectionnent les titres qui ne révèlent pas immédiatement un contenu, préservent un mystère : "La Promesse" (1996), "Le Silence de Lorna" (2008), "Deux jours, une nuit" (2014)... Ici, non seulement le titre ne dévoile pas, mais il masque : loin que le ...

Un Dardenne de plus que je me paye de luxe de revoir. Quel choc une fois de plus ! C'est qu'ils savent le remuer le poignard les deux frangins ! Mais subtilement, pas comme des fous. Ils prennent le temps de s’approcher de leurs personnages, de les accompagner, de les suivre, ...