L'HIVER DERNIER

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Etre paysan aujourd'hui…Faire prospérer la terre dont on a hérité dans un monde agricole soumis à la mondialisation…C'est le point de départ philosophique et politique du film de John Shank, tourné dans l'Aveyron…

Une solitude, de grands espaces : lieux idéaux pour une sorte de western campagnard qui va mettre aux prises un jeune exploitant et la propriété dont il a hérité… Un incendie de fourrage, les traites à payer et une proposition financière alléchante vont finir de le convaincre que tout et tout le monde s'est ligué contre lui… Johann va alors se replier sur son domaine, couper les ponts avec ses rares connaissances et laisser pousser en lui une rancœur qui ressemble fort au chiendent tant redouté des agriculteurs…

Une mauvaise graine dont il récoltera les conséquences, en assistant à la fin inéluctable de tout ce qui faisait ses repères et ceux de sa famille depuis des décennies… Film sobre, dense et puissant, L'hiver dernier se regarde comme passent les saisons : au rythme lent des éléments.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver UNE HIRONDELLE A FAT LE PRINTEMPS (Sauver une terre en danger ou celle dont on a hérité. Mathilde Seigner et Vincent Rottiers se sentent dépositaires d'un savoir-faire, d'un patrimoine autant culturel qu'économique. Ils font face avec courage et obstination...) ou encore L'HOMME DES VALLES PERDUES (Un homme, cow-boy ou paysan, retranché dans des plaines désertiques, affronte ceux qui en veulent à son domaine ou à sa vie. Deux combats pour une même cause : préserver son intégrité et ses droits...).

Quels effets peuvent bien produire le mélange d'un natif de l'Indiana, élevé en Belgique et nourri à d'incessants allers-retours entre la vieille Europe et la toute jeune Amérique ? La réponse se trouve dans le film que vous venez de voir : un style visuel qui n'est pas sans rappeler Howard Hawks ou John Ford et un discours qui s'apparente aux œuvres des frères Dardenne et de Raymond Depardon ! John Shank est un jeune cinéaste qui a grandi avec ces repères : son enfance est à la fois bercée par le bruit des immenses champs de maïs de l'Ouest et par le vent soufflant sur le plat pays !

Son film ne pouvait qu'en faire écho et si le combat de Johann pour sa Terre a tous les aspects du western, sa quête de respectabilité et de reconnaissance tient plus de la fable sociétale. Vincent Rottiers lutte contre un ennemi invisible, tapi quelque part, prêt le submerger. Héros solitaire parfait, poor lonesome cowboy convaincant, ce jeune comédien poursuit un chemin à part, choisissant des metteurs en scène exigeant, refusant la facilité. Christophe Ruggia, Richard Dembo, Claude Miller ou  Xavier Giannoli ont déjà repéré son physique aiguisé et son jeu à la fois économe et précis. A ses côtés, Anaïs Demoustier et Florence Loiret-Caille apportent un peu de séduction à cette intrigue âpre et lente. John Shank est resté intraitable sur deux points très précis de son projet : d'abord, il souhaitait que l'histoire ne puisse en être raccordée à aucune époque précise. Johann pourrait tout aussi bien vivre au 21e siècle qu'au Moyen-Age ou à l'époque de la Révolution. 

Son combat est intemporel et immuable…Ensuite, le réalisateur a voulu tourner en 35 millimètres : une technique plus coûteuse, moins malléable que le numérique mais là aussi : pour lui, il s'agissait d'être cohérent avec le concept même de l'aventure. L'hiver dernier est un hommage au western et les western se donnaient les moyens de laisser l'œil du spectateur entrevoir l'immensité des plaines et la profondeur des canyons !