LA FILLE INCONNUE

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Le cinéma des frères Dardenne s'est longtemps basé sur une idée du regard porté, physiquement comme psychologiquement sur les personnages de leurs films. Avec La fille inconnue, ils changent de sens et mettent en avant l'écoute. 

A travers l'enquête personnelle d'une jeune médecin sur une femme retrouvée morte peu de temps après avoir trouvé porte close à son cabinet, La fille inconnue part d'un personnage solitaire pour explorer comment un lien social s'est délité dans nos sociétés. 

Et si les Dardenne prolongent avec ce film certaines de leurs thématiques récurrente : le rapport à la culpabilité comme celui à une banalité du mal, La fille inconnue l'élargit pour la première fois en dehors d'une relation ou d'un cercle familial, pour aborder la notion de communauté humaine et la confronter plus que jamais, au sens de l'éthique via la démarche d'une médecin sortant de son cadre professionnel mais en revendiquant être au contact, au chevet des autres.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LA MALADIE DE SACHS (Comme le personnage de La fille inconnue, celui du film de Michel Deville est un médecin pris d'un syndrome d'insuffisance face à la souffrance humaine) ou encore LA MALADIE DE SACHS (Une autre histoire de médecin.).

Avec La fille inconnue, les frères Dardenne poursuivaient une remise en question de leur travail, que ce soit en travaillant avec une comédienne, nouvelle dans leur univers ou en prenant un angle de lecture différent. S'il a déjà été question dans leurs films précédents de la manière dont la culpabilité, ou son absence, rongent progressivement leurs personnages, elle est omniprésente dans La fille inconnue. Mais devient cette fois-ci le moteur de Jenny, cette médecin qui va devenir obnubilée par l'identité de la jeune femme retrouvée morte. Il y a d'ailleurs une dimension particulièrement physique dans La fille inconnue, que ce soit dans l'énergie que met Jenny à trouver des informations, mais aussi d'une manière moins littérale quand les patients qu'elle prend encore le temps de voir, sont tous ou presque dans une forme de somatisation. 

Plus encore qu'à l'accoutumée chez les Dardenne, La fille inconnue repose sur un principe d'identification, dans un sens de plus en plus large : d'une part Jenny va apprendre à se connaître à travers son enquête, de l'autre, c'est le lien entre les identités européennes et africaines qui va être interrogé. Avec le même désarroi, quand finalement il y a deux filles inconnues dans ce film, celle, morte dont le mystère se révèle doucement, mais aussi Jenny dont la personnalité apparaît progressivement. 

Initialement, c'est Marion Cotillard qui devait la jouer, mais les Dardenne se sont retournés vers Adèle Haenel, actrice possédant encore une forme de candeur, dont ils avaient besoin pour ce rôle. A l'inverse, ils sont restés en terrain connu, en tournant La fille inconnue à Seraing, cette province de Liège, décor naturel de tous leurs films, endroit à partir duquel les deux frères cinéastes ne cessent d'interpeller le monde.

Critique originellement publiée sur Le Passeur Critique le 07/06/2016. http://www.lepasseurcritique.com/critique-film/la-fille-inconnue.html Faudrait-il percevoir Liège comme un wasteland social, représentatif de son monde ? L’anonymat est le fléau de la société moderne, ...

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Avec ce film, les frères Dardenne tenaient une idée en or : par sa mort, une "fille inconnue" révèle, à ceux qui l'ont côtoyée durant sa dernière heure d'existence, leur propre part d'inconnu, en eux-mêmes : une jeune doctoresse, Jenny (Adèle Haenel), misant davantage ...