LA LIGNE DE FEU

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A chaque cinématographie sa version de l'héroïsme. En Russie depuis le début des années 2010, elle passe par un retour aux films de guerre . Au cinéma de propagande aussi. La ligne de feu est un de ses exemples les plus probants. 

Le point de départ du film de Vadim Shmelyov est authentique : en 1941, le IIIe Reich lance l'opération Barbarossa, nom de code de son assaut surprise sur l'URSS. Pour défendre Moscou, l'armée rouge fait appel aux 3.500 cadets de l'école militaire de Podolsk pour bloquer les troupes allemandes pour laisser le temps aux renforts d'arriver. Ce mini-siège durera six jours, un tiers des soldats en herbe survivra. 

La ligne de feu enjolive les choses pour faire la part belle au patriotisme nationaliste mais aussi aux  grands axes des films de guerre, qu'ils soient personnages génériques à l'ancienne ou mise en scène plus moderne (l'influence d'Il faut sauver le soldat Ryan est reconnaissable dans les scènes d'action), mais surtout une débauche de moyens dignes d'un blockbuster hollywoodien. De quoi laisser dubitatifs les historiens qui se pencheraient sur les faits, mais surtout impressionner quiconque en quête de grand spectacle.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LA BRIGADE DES 800 (L'équivalent chinois, avec d'aussi gros moyens, et tout aussi spectaculaire, de "La ligne de feu".) ou encore LA BATAILLE DE LENINGRAD (Un autre blockbuster russe revenant sur les évènements de 1941).

La ligne de feu confirme qu'à l'Est il y a bien du nouveau dans les années 2020. Du moins sur le front du cinéma. L'effondrement du Mur de Berlin puis du bloc soviétique a mis son industrie soviétique sur le pied de guerre. Littéralement quand le gouvernement décida de prendre les mêmes armes qu'Hollywood pour ne pas perdre pied dans l'économie capitaliste du divertissement. Cinquante ans après avoir mené de main de fer, la production de films à la gloire du parti – y compris pour des chefs d'oeuvre comme Quand passent les cigognes -, la Russie de Vladimir Poutine s'est lancée dans la production massive de blockbusters guerriers, relisant les faits historiques, qu'ils datent de la seconde guerre mondiales ou de celles plus récentes.

A vrai dire, ce phénomène doit beaucoup à Sylvester Stallone : avant même que la géo-politique de la fin du XXe siècle redistribue les cartes, le cinéma russe avait tenté, dans les dernières heures de la guerre froide, de rendre la monnaie à l'Oncle Sam avec Le soviet, un ersatz local de Rambo pour répondre à un Rocky IV centré sur un match entre le champion américain et un boxeur russe. C'est toutefois en 2005, que le blockbuster de guerre à la Russe s'installe avec Le 9e escadron, revenant sur la prise d'une colline par une section russe sur le front afghan. 

A ses commandes, Fiodor Bondartchouk deviendra l'homme-clé de ce renouveau. Il faut dire qu'il a de qui tenir : son père Sergeï, réalisa en 1967, un Guerre et paix, resté dans les annales du cinéma russe comme une des plus imposantes fresques historiques, même si moins marqué par une fièvre patriotique. Son fils, imposera les nouvelles règles du genre avec Stalingrad (2013) pensé comme un spectacle jusqu'à être le premier film russe conçu pour les salles IMAX. De quoi donner des envies de grandeurs à une industrie qui a depuis élargi la brèche, pour des films (Battle for Sebastopol, Panfilov's 28 Men, Indestructible, T39 pour ne citer qu'eux) relectures de faits de guerre tirant les enseignements des grands classiques américains  - du Pont de la rivière Kwaï  aux 12 salopards- et des dernières technologies – films en 3D, recours aux effets spéciaux les plus récents... mais surtout celle d'une propagande d'état renouant avec son instrumentalisation du cinéma, une des ses meilleures arme de communication.  Quitte à risquer de lancer une nouvelle guerre froide, cette fois-ci avec la Chine, qui a pris le même pli, en finançant elle aussi des films de guerre d'une ampleur (avec le même incroyable savoir-faire formel et le même phénoménal succès au box-office local)...

Un film de guerre patriotique à la gloire de l'armée soviétique. Mais bon, le sacrifice des cadets de Podolsk est véridique. On dit qu'un dixième seulement des 3 500 cadets a survécu. Après les moyens sont conséquents, les scènes de batailles n'ont rien à envier au cinéma ...