LITTLE JOE

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Little Joe, c’est le nom d’une fleur ! Une fleur très particulière puisqu’elle est le fruit de manipulations génétiques et qu’elle a la propriété de rendre heureux son propriétaire, à condition qu’il prenne soin d’elle et lui parle. Mais Little Joe n’aurait-elle pas aussi d’autres pouvoirs moins bénéfiques, carrément inquiétants ?

Sur le thème de l’apprenti sorcier, la réalisatrice Jessica Hausner a construit une variation personnelle esthétiquement très travaillée. Little Joe joue en effet sur plusieurs registres et cultive en permanence l’ambiguïté. Au centre du récit, une jeune mère célibataire, passionnée par ses recherches génétiques qui sacrifie plus ou moins sa vie familiale et personnelle.

La comédienne Emily Beecham, remarquée dans la série Into the Badlands, et interprète principale du film britannique Daphné, se glisse dans la peau de cette généticienne spécialiste des plantes confrontée à une série d’étranges phénomènes. Sa performance a été récompensée par le prix d’interprétation féminine à Cannes en mai 2019.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LA MOUCHE (Un scientifique se retrouve victime de ses propres inventions) ou encore LA PETITE BOUTIQUE DES HORREURS (Les déboires d'un fleuriste propriétaire d'une plante-vampire).

Jessica Hausner, qui fut l’assistante du cinéaste Michael Haneke, a le goût du mystère et préfère la suggestion à la démonstration. Avec sa co-scénariste, Géraldine Bajard, elle avait réussi à faire de Lourdes, sur la question du miracle, un film apprécié tant par le Vatican que par l’Union des athéistes radicaux. Son penchant pour l’ambivalence lui fait proposer plusieurs pistes d’interprétations à sa fable de science-fiction. Les soi-disant changements subis par les personnages peuvent s’expliquer par leur état psychologique. Ils peuvent aussi être liés au pollen qu’ils ont inhalé. Ou encore, ces changements n’existent peut-être pas et ne sont que le fruit de l‘imagination de Bella ou Alice.

Au spectateur de trouver les réponses qui lui conviennent ou que sa sensibilité ou son sens de l’observation lui suggèrent. L’esthétique du film distribue des signes comme autant d’indices pour éclairer les mystères de l’histoire. Les couleurs sont ainsi très importantes : le vert menthe et le rouge, de la fleur par exemple, sont des couleurs que la cinéaste qualifie de « presque enfantines », choisies pour accentuer le côté fable, conte de fées du scénario. La chevelure rousse d’Alice fait penser à un champignon rouge vif et, comme le remarque la comédienne Emily Beecham, « Little Joe devient une sorte de double. Ce n’est pas un hasard si ses pétales rappellent mes cheveux. »

L’hypothèse d’une plante manipulatrice semble relever de la pure imagination. Elle n’est pourtant pas improbable. Pendant la préproduction du film, la réalisatrice a présenté son récit au neuroscientifique James Fallon, un professeur émérite d’anatomie et de neurobiologie à l’Université de Californie. Et, pour lui, le film est « juste scientifiquement ». Il explique que « la plante pourrait émettre un cocktail de substances chimiques, comme des peptides et des stéroïdes. Son pollen pourrait aussi contenir un virus susceptible de cibler certaines cellules du cerveau et de modifier les comportements. » Les plantes agissent sur notre comportement à travers les opiacés par exemple. « Nous les utilisons mais elles nous utilisent aussi » !

Comment le style clinique et peu générateur d'émotions de Jessica Hausner allait-il s'acclimater dans un scénario de science-fiction, genre que la cinéaste autrichienne n'avait pas pratiqué jusqu'alors ? La réponse donnée par Little Joe surprend peu quand on a vu ses précédents ...

Alice (Emily Beecham) travaille dans le laboratoire d'une entreprise qui fournit des plantes très travaillées à des établissements qui ne manquent certainement pas de moyens financiers. Concrètement, elle cultive des plantes génétiquement modifiées (elle s’occupe de ces ...

Ce qui frappe en premier lieu dans Little Joe, c'est le jeu sur les couleurs. On peut adorer ou détester, mais il y a là incontestablement un part pris esthétique, ce qui, pour moi, est toujours le signe qu'on a affaire à une artiste. Blouses vert pâle des employés, mobilier ...