SI JE T'AIME, PRENDS GARDE À TOI

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Troisième long métrage de Jeanne Labrune, Si je t’aime, prends garde à toi, sortie n 1998, reprend un air bien connu de l’opéra-comique de Georges Bizet, Carmen. Et en effet, il est ici question d’amour, d’un amour absolu, trop fort, trop grand, qui ne peut être contenu.

On y rencontre Muriel, romancière et scénariste, qui rencontre Samuel dans un train les conduisant vers Mulhouse. La conversation s'engage sur un mode ironique et joueur. Ils se quittent au cours du voyage. Quelques semaines plus tard, Samuel se présente chez elle à l'improviste avec l'intention de la séduire. Curieuse et troublée par le caractère entier de Samuel, Manuel devient sa maitresse et un amour passionnel et dévorant s'installe entre eux.

A un Daniel Duval, intense et bestial, Jeanne Labrune oppose une Nathalie Baye toute en force sourde et en maitrise pour une rencontre au sommet entre joutes verbales au cordeau et sexe cru non dénué de mystère. Un vrai grand huit pour le spectateur.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver CROSS THE LINE DE DAVID VICTORI (Dans les deux films, une rencontre a priori anodine tourne au cauchemar) ou encore ALLELUIA DE FABRICE DU WELZ (Une femme dans la force de l'âge rencontre un homme et elle entrevoit enfin une renaissance. Il la mènera dans les abysses du crime et de la violence.).

Raconter l’amour, c’est l’apanage de l’art. En musique, en peinture, au cinéma, peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse des sentiments. C’est à partir de ces mêmes œuvres d’ailleurs que l’on détermine notre rapport à l’amour, que l’on imagine ce que l’on attend de lui, qu’on l’envisage, le rêve et le fantasme. Et Si je t’aime, prends garde à toi de Jeanne Labrune incarne cette confrontation entre le réel et la fiction. Pour le personnage de Muriel, une romancière bourgeoise en séparation, fictionnaliser l’amour, dans tous ses excès, c’est son métier. Alors quand elle se retrouve face à Samuel, tout devient bien réel. Et la question qu’elle doit alors se poser, c’est jusqu’où peut-elle aller?

Il est intéressant en 1998 que Jeanne Labrune propose une romance/relation toxique où la femme n’en ressort pas victime. Muriel résiste aux assauts de Samuel, les permet quand elle le souhaite, contrôle ses pulsions et sait se sauver, et le sauver, quand il est encore temps de le faire. Un long métrage presque en avance sur son temps avec un niveau d’écriture des dialogues de haute volée, aidé au scénario par Catherine Breillat. On retrouve d’ailleurs beaucoup de caractéristiques de la réalisatrice d’Anatomie de l’enfer. Mais ici, l’histoire ne tourne pas au glauque ni au fait divers. Elle reste juste à la bonne hauteur du âpre.

Pour cette plongée en plein mélodrame, Jeanne Labrune a fait appel à un duo de comédiens, Nathalie Baye et Daniel Duval, qui donnent le meilleur d’eux-mêmes, se tenant mutuellement la dragée haute. Particulièrement contemporain dans sa manière d’aborder le couple, le désir et ses rapports de force, Si je t’aime, prends garde à toi est aussi un film sur Paris. Le Paris d’aujourd’hui. Même s’il date d’avant les années 2000, la réalisatrice a su capter quelque chose de l’air du temps, faisant s’affronter deux forces opposées qui sont aussi deux visions d’un même lieu, la capitale française, à la fois bourgeoise et prolétaire. Dans un même mouvement vers l’irrationnel.

Une histoire de passion entre un homme sentimentalement dysfonctionnel, d'extraction sociale modeste et une intellectuelle bourgeoise au sortir d'une longue relation amoureuse avec un homme +agé. La fascination / sidération causées par la violence (pas seulement destructrice) ...