SIERANEVADA

en VOD

Le film débute par un long plan séquence aussi signifiant que déroutant. Au volant de sa voiture familiale, un homme s'impatiente. Il est bloqué par un camion, cherche à se garer, n'y parvient pas, repasse dans la rue quand elle finit par se dégager, se range n'importe où, n’importe comment pour déposer quelqu’un et récupérer des paquets.

Vue de haut et du point fixe d'où elle est filmée, l’impatience de l’homme au volant semble dérisoire, ridicule. Quand la caméra s'installe à l'intérieur de la voiture, on finit par comprendre son énervement : une fête de famille, un déguisement d'enfant mal choisi, des courses au supermarché que veut aller faire sa femme et le rendez-vous du déjeuner familial qu’il lui oppose.

Des problèmes typiques de la classe moyenne de Bucarest que Cristi Puiu scrute avec pertinence. Ce sera une des rares scènes en extérieur, mais elle impose immédiatement le tempo et la tonalité de Sieranevada, son quatrième film au titre abscons mais international, un quasi huis clos qui va prendre son temps pour mieux tenter de cerner la réalité de la Roumanie contemporaine. Avec réalisme et humanisme. 

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LA BUCHE DE DANIÈLE THOMPSON (La préparation d’un repas (de Noël ici) cristallise les tensions et engendre les révélations d’une famille) ou encore L’ANGE EXTERMINATEUR DE LUIS BUNUEL (Pour l'absurdité de la situation, la montée des tensions, le quasi huis clos et l’impossibilité de s’en évader.).

Lary est médecin. Il a rendez-vous avec ses frères et soeurs, ses oncles, ses tantes, des amis chez sa mère, pour un déjeuner qui doit honorer la mémoire de son père décédé il y a 40 jours. Ce repas est important, surtout pour sa mère qui a décidé de respecter la tradition orthodoxe de leur village. Ce que certains invités ont du mal à comprendre, même si chacun finit par s’y plier. Qui dit réunion de famille, dit obligatoirement tensions, reproches, rancoeurs, mésententes, surprises, jalousie, règlements de compte, conflits etc. Et c’est à ce menu à la fois indigeste et absurde que Cristi Puiu nous invite. Sans y goûter toutefois puisque durant les près de trois heures que durent le film, personne ne mangera. Certaines cuisineront, d’autres commenteront. Mais, le propos du réalisateur est de filmer l’attente, la préparation, la tension, ses pics et les moments d’apaisement qui précèdent toute réunion de famille.

Pour cela, il plante sa caméra au cœur du petit appartement jaunâtre de la maman et surtout dans l’entrée qui dessert toutes les pièces. Et chaque plan séquence en prend la température, saisissant ici ou là des bribes de conversation sur la politique, l’attentat récent contre Charlie Hebdo ou ceux plus anciens du 11 septembre, la nostalgie du régime Ceaucescu, l’infidélité d’un oncle, la taille d’un costume, le retard du pope… Dit comme cela, la situation semble aussi absurde que réaliste. Elle l’est, grâce à la mise en scène fluide de Cristi Puiu, à la subtilité de jeu des nombreux acteurs invités à la cène, à la pertinence des propos et au comique de la situation.

Cristi Puiu reste moins connu que Cristian Mungiu, Palme d’or avec 4 mois, 3 semaines et 2 jours en 2007. Avec Sieranevada pour l’un et Baccalauréat pour l’autre, ils se sont affrontés en compétition officielle au Festival de Cannes 2016. Puiu reste toutefois le premier représentant de la nouvelle génération du cinéma roumain. Son deuxième film, La Mort de Dante Lazarescu avait reçu le prix Un certain Regard en 2005 et annonçait déjà ce cinéma de l’attente et de la longueur qu’il confirme avec ce film.

Dès la première scène, on est forcé de se poser la question du point de vue depuis lequel on observe une histoire. On perçoit une agitation familiale autour d'une petite fille, mais la caméra est un petit peu trop loin pour que les enjeux nous parviennent clairement. La scène ...

Il faut s'armer d'une solide patience et d'une confiance sans borne à l'égard du réalisateur roumain Cristi Puiu pour se lancer dans un film de près de trois heures dont l'action se concentre presque intégralement dans un appartement de Bucarest. Et, de fait, dans son principe ...

Le simple énoncé du pitch pourrait faire fuir les plus aguerris. Le jour de la sortie de Suicide Squad, proposer un film roumain de trois heures se déroulant dans l’espace confiné d’un appartement au sein d’une famille réunie pour la commémoration religieuse de la mort ...