WINTER SLEEP

en VOD

Quand Nuri Bilge Ceylan a reçu la Palme d’or pour Winter Sleep en 2014, le cinéaste turc était déjà familier des palmarès cannois. Entre autres récompenses, il avait obtenu le prix de la mise en scène avec Les Trois Singes en 2008 et le Grand Prix trois ans plus tard avec Il était une fois en Anatolie.

Pour Winter Sleep, il a planté sa caméra en Cappadoce au coeur de paysages peu à peu envahis par la neige où galopent des chevaux sauvages. Dans ce cadre grandiose, il se penche sur les relations entre un comédien à la retraite devenu hôtelier, sa jeune épouse, et sa soeur venue s’installer auprès du couple après un divorce douloureux.

Nuri Bilge Ceylan se définit comme un grand mélancolique « Je m'intéresse à tout ce qui se dérobe, dit-il, au monde intérieur des individus, à leur âme, à la manière dont ils se lient ou s’opposent. » Venu de la photographie, il apporte un soin méticuleux à ses images, au cadre comme à la lumière et accorde une grande importance aux ombres.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver UNE PASSION (Sur une île, les relations entre une poignée de personnages en proie à leurs angoisses, leurs secrets...) ou encore IL ÉTAIT UNE FOIS EN ANATOLIE (Une autre réalisation de Nuri Bilge Ceylan tournée en Anatolie et récompensée à Cannes).

La littérature russe a fortement marqué Nuri Bilge Ceylan. Le point de départ du scénario est une nouvelle de Tchekhov, intitulée Ma femme, qu’il a lue à l’âge de 15 ans. Dans une scène mémorable du film, Nihal offre de l’argent à Ismail, qui jette au feu la liasse de billets. Ce moment rappelle un passage du roman de Dostoïevski, L’Idiot. Le cinéaste explique qu’il voit ce personnage d’Ismail comme utopique. « Nous voulions qu’il soit comme cela, vivant dans un autre monde, -dit-il- et nous avons pensé que cette séquence était nécessaire pour donner une leçon à Nihal. J’aime bien cette scène imprégnée d’utopisme, pour mieux faire ressortir le réalisme de l’ensemble. » Il ajoute :« Chez Dostoïevski il y a aussi ce genre de contrepoint. »

Cinématographiquement, le cinéaste revendique l’héritage d’Ingmar Bergman, qu’il qualifie de « maître des conflits de couples, des règlements de compte ». A 16 ans, Le Silence du metteur en scène suédois a été pour lui un véritable choc. « Pour la première fois, confie-t-il, je me suis rendu compte que le cinéma pouvait avoir une telle force qu'il pouvait servir à montrer, et à discuter, de sentiments intérieurs que, normalement, on garde pour soi. » Dans Winter Sleep, les deux longues scènes d’affrontements entre le héros et sa soeur puis sa jeune femme sont ainsi filmés simplement en champ-contrechamp en faisant ressortir les visages de la pénombre. Un style qui va à l’essentiel à la manière de certains choix de mise en scène de Bergman.

Nuri Bilge Ceylan assume sans problème la durée de son film qui atteint trois heures et quart. Un écrivain ne se demande pas combien de pages doit avoir son roman, rappelle-t-il. « Ce sont des soucis commerciaux qui cantonnent les metteurs en scène dans des films de 90 ou 100 minutes. » Le cinéaste qui imagine ses scénarios avec sa femme Ebru, ne s’est donc pas soucié de la longueur du texte. A propos de ce travail en commun, le réalisateur raconte qu’il commence par la construction de l’histoire avant les dialogues, qu’ils écrivent chacun de son côté. Lorsqu’il faut choisir entre tel ou tel dialogue, surgissent des disputes qui les aident à trancher. « Le temps de l’écriture est assez court, résume-t-il, mais celui de la dispute plus... long ! »

Il y a deux façons d’aborder SensCritique au cœur de cet été 2014.Si on consulte les sorties du 6 août, la première option est de se jeter sur le dernier Besson avec tout ce que ça suppose de facile (1h30, la silhouette de Scarlett, le scénario -enfin, le prétexte-… ...

Il faut commencer par chercher, longuement, à s’astreindre à un esprit de synthèse face au continent Winter Sleep. 3h16 de dialogues, la plupart en intérieurs nuit, ou lactés d’une lumière blafarde qui retranscrit la froideur des pièces. Une relative absence d’intrigue, ...

L'Anatolie. Région rude, brutale, sauvage. Région minérale, où les maisons peinent à se dégager des rochers. Où les habitants ont gardé cet esprit brut. Les plans extérieurs sont aussi rares que magnifiques. A l'inverse de son précédent et splendide film, ici, tout se ...