BOWLING SATURNE

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Si la notion de “film noir” n’a qu’un sens abstrait pour vous, elle trouvera tout son sens dans le film de Patricia Mazuy. Bowling Saturne s’apparente à une descente aux enfers dont les portes seraient fermées à double tour. L’histoire emprunte aux canons du genre en confrontant deux frères à la mort de leur père.  Guillaume, l'aîné, un policier ambitieux et Armand, vigile de boîte de nuit, un taiseux, de profil marginal. Lorsque le premier offre en gérance le bowling dont il vient d'hériter à son cadet, leur quotidien va exploser en morceaux, plongeant les deux hommes dans une spirale de violence.

La ville où se déroule le drame (son commissariat en travaux, l’appartement confit dans un déco 70, son bowling) véhicule une ambiance poisseuse, lugubre, que la réalisatrice de Peaux de vaches Patricia Mazuy a construit de toutes pièces avec son chef décorateur entre Lisieux, Caen et Deauville, mais loin des clichés verdoyants associés à la Normandie. Ce n’est pas le vert, mais le rouge et le noir qui noient l’environnement dans lequel une série de meurtres est commise.  

“Le film utilise ces éléments basiques qu’on connaît tous, pour tenter une descente dans un monde très complexe” explique la réalisatrice dans le dossier de presse du film. C’est le monde de maintenant, où tout est dur, violent, où les rapports sont régis par les règles de domination, qu’elles soient héritées, ou circonstancielles”. Bowling Saturne est un film interdit aux moins de 16 ans, dont la violence peut secouer aussi un public adulte. On vous avait dit “noir”. Vous voilà prévenus. 

 
Dans le même genre vous pouvez trouver TRAQUENARD (1958) (Le film de Nicholas Ray avec Robert Taylor a été l'influence principale de Patricia Mazuy.) ou encore LA NUIT NOUS APPARTIENT (2007) (Beaucoup de films ont joué l'opposition entre deux frères ennemis, or celui de James Gray est un modèle du genre. Mais c'est dans un discothèque et non dans un club de bowling que les affaires s'y enveniment.).

Rien ne vient sauver personne dans ce récit fratricide, “sec comme une trique” - merci Jacques Brel - qui dénote une vision pour le moins radicale du cinéma et de la vie.  Patricia Mazuy (1960, Dijon) le dit à sa manière dans sa note d’intention : “c’est un film sur l’inconscient d’une société malade, et sur l’héritage du XXème siècle, plein de sauvagerie. La cinéaste fait passer parfaitement l’idée, sans passer par les dialogues, minimalistes, comme vous avez pu le vérifier. La manière dont les acteurs habitent leurs personnages - ils semblent ne pas jouer - poursuit l’idée de la cinéaste de restituer “un cauchemar sourd et tendu” dit-elle, “avec des silences déstabilisants. On est dans le réel, mais avec une ambiance onirique et opaque”. 

Pour le spectateur, cette déstabilisation provient de l’absence de toute psychologie. “Il n’y a pas de raison objective pour qu’un gamin paumé et frustré devienne un tueur explique la réalisatrice de Paul Sanchez est revenu ! qui lors de l’entretien qu’elle avait accordé à Filmo pour la sortie de ce film, nous avait dit sa fascination pour les faits divers. “Si on donne une explication psychologique à un meurtre, on est foutu affirme-t-elle à propos de Bowling Saturne. Il ne faut pas non plus trouver des excuses. Il n’y a pas qu’une seule raison, mais un enchainement : l’appartement du père d’Armand, son invisibilité d’avant, son passé, la société qui l’entoure, et puis aussi lui, surtout lui, et son héritage, comme le démontre sa relation avec son frère”.

On attend toujours de grandes choses de Patricia Mazuy, l'une des vraies autrices d'un cinéma français qui connaît une indiscutable pénurie d'artistes majeurs depuis quelques années. Et on sort parfois un peu déçu de ses films - sauf du précédent, Paul Sanchez ...

Patricia Mazuy est une réalisatrice sur qui il faut compter et son Bowling Saturne ne déroge pas à la règle et est sans doute son meilleur film (dans ce que j'ai vu). Déjà il faut souligner l'ambiance totalement folle du film, dès l'ouverture on voit que quelque ...

Le macrocosme de Bowling Saturne éclot dans la violence par l’annonce abrupte d’une mort révélée par un conducteur interpellant un passant. Le défunt est Armand, père des deux hommes et gérant d’un bowling souterrain donnant son titre à l’œuvre. Dans le rythme ...