LES OMBRES PERSANES

en VOD

C’est sans doute l’objet d’un des cauchemars ou fantasmes les plus répandus : découvrir que l’on a un double qui nous ressemble trait pour trait... Voilà ce que va vivre un couple iranien dans le film de Majib Motalebi qui va suivre. Par hasard, cette femme et cet homme vont être mis en présence d’un autre homme et d’une autre femme qui leur ressemblent parfaitement.  

Seule différence : le milieu social. Si les premiers appartiennent à la classe ouvrière, les seconds sont eux plus aisés. Leur rencontre entrainera un bouleversement irréversible et les fera évoluer sur un chemin qu’ils ne soupçonnaient pas même s’il était sans doute déjà gravé en eux...  

Le réalisateur s’essaye ici au thriller psychologique mâtiné de science-fiction. En plongeant ses comédiens, un même duo qui se dédouble à l’écran, sous la pluie incessante de Téhéran, Motalebi signe une œuvre à part dans son parcours et dans celui du cinéma de son pays.  

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LEILA ET SES FRERES (En essayant de trouver sa voie à travers les dangers de la censure, le cinéma iranien parvient à nous dire tellement de choses sur cette société méconnue mais vibrante...) ou encore US (Deux études glaçantes sur la gémellité et ce choc quand on se retrouve soudain face à un double de soi dont on ne sait rien...).

La mésaventure de départ vécue par le couple de ces « Ombres persannes » est réellement arrivée au réalisateur du film. Majib Motalebi raconte qu’en visitant il y a quelques années une exposition de photos consacrée à la guerre entre l’Iran et l’Irak, il avait été fasciné de découvrir parmi les centaines de clichés celui d’un soldat mortellement blessé à la tête et lui ressemblant de manière troublante. De là est née l’idée de s’intéresser à la question du double, source de multiples ressorts dramaturgiques... Ce qui est intéressant, c’est de regarder son film en le replaçant dans le contexte du régime des mollahs en place à Téhéran depuis la révolution islamique.  

Y tourner est on le sait compliqué, surtout quand on entend sortir des sentiers battus et des canons de la propagande du pouvoir. Si certains ont fui leur pays pour s’établir à l’étranger, d’autres, les plus nombreux, ont choisi de rester et de tenter, malgré la censure, de poursuivre leur travail. Leurs films parviennent à exprimer le ressenti et le quotidien de la population iranienne et obtiennent au fil des ans une véritable reconnaissance à l’étranger, grâce à leur participation aux plus prestigieux festivals... C’est ainsi que la Palme d’Or à Cannes d’Abbas Kiarostami en 1997 pour « Le goût de la cerise », le lion d’Or à Venise de Jafar Panahi en 2000 à Venise pour « Le cercle » ou l’Ours d’Or d’Asghar Farhadi en 2011 pour « Une séparation » ont été de formidables ambassadeurs du 7e art de ce pays que l’on croyait plongé à jamais dans l’ombre culturelle.  

Alors certes, les règles établies par les dirigeants iraniens sont extrêmement strictes mais les cinéastes, et notamment une génération de femmes passées de l’autre côté de la caméra, parviennent à s’en accommoder ou à les contourner sans dénaturer leur propos. Reste que le caractère répressif des autorités s’abat parfois de manière terrible : ainsi le sort réservé au réalisateur Saeed Roustayi, condamné à six mois de prison pour propagande de l’opposition lors de la sortie de « Leila et ses frères » en 2023... 

Le fait d’aimer le cinéma iranien depuis des décennies – pour nous, le gros coup de cœur de la découverte de Close-Up de Kiarostami en 1990 – ne nous empêche finalement pas de l’avoir catalogué plutôt dans un genre néoréaliste intellectuel, avec un penchant récent ...

Petite remarque en préambule sur la traduction française des titres, particulièrement stupide sur ce film : l’adjectif « persanes » ayant pour vocation un petit exotisme marketing assez ridicule(qu’on retrouve aussi cette semaine dans Rendez-vous à Tokyo), visant à circonscrire ...

Le thème du double est un topos de la littérature et il parcourt aussi le cinéma, à commencer par le mémorable Faux-semblants (1988), de Cronenberg. Mais qu’advient-il lorsque le thème du double se redouble, et lorsque c’est un couple qui découvre que, de façon ...