SUZANNA ANDLER

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Nous sommes quelque part sur la Côte d’Azur… Fin des années 60… Ce n’est pas encore l’été, plus tout à fait l’hiver… Une grande villa vide… Peut-être une location pour de prochaines vacances en famille…  Mais quelle famille ? Suzanna visite les lieux, seule. Son mari, comme toujours est absent…. Son jeune amant va la rejoindre… Suzanna rêve de liberté, d’amour… Sa vie est-elle sur le point de basculer ? 

Benoît Jacquot filme les mots de Marguerite Duras avec la sobriété qu’on lui connait. Il enveloppe cette réflexion douloureuse sur la solitude d’amples mouvements de caméra et de vrais choix de montage. Devant son objectif, Charlotte Gainsbourg livre une des grandes performances de sa carrière d’actrice, épaulée par un Niles Schneider minéral et sensuel.

« Suzanna Andler » est un film rugueux et attachant dont la profondeur et l’abondance de texte ne nuit jamais à la fluidité quasi hypnotique de l’ensemble…

 
Dans le même genre vous pouvez trouver BAXTER, VERA BAXTER (Marguerite Duras avait elle-même adapté sa pièce très librement avant que Benoît Jacquot ne s'y consacre vraiment...) ou encore IN THE MODD FOR LOVE (L'absence de l'autre peut vous pousser à aller vers d'autres passions...).

Depuis ses débuts dans la mise en scène de cinéma, Benoît Jacquot n’a jamais reculé devant l’obstacle de l’adaptation d’auteurs réputés difficiles. Dès son premier film en 1975, « L’assassin musicien », il n’hésitait pas à se frotter à Dostoiesvski ! Six ans plus tard avec « Les ailes de la colombe », c’est à Henry James qu'il s’attaque… Suivront notamment en 88 « L’école de la chair » d’après Mishima, en 2000 « La fausse suivante » adapté de la pièce de Marivaux. Le réalisateur se passionne ensuite en 2001 pour l’opéra avec sa version de « Tosca » de Puccini, revenant à la littérature en 2002 avec « Adolphe » d’après Constant… N’oublions pas « Villa Amalia » en 2009 tiré du roman de Pascal Guignard, « Les adieux à la reine » en 2012 d’après le récit de Chantal Thomas, « Le journal d’une femme de chambre » inspiré de Mirbeau en 2015, « Eva » adaptation de James Hadley Chase en 2018 ou encore « Dernier amour » en 2019 puisé au fil des souvenirs de Casanova couchés sur papier dans « Histoire de ma vie »…

Avec « Suzanne Andler », Benoit Jacquot met des images sur les mots de Marguerite Duras, auteur de cette pièce de théâtre en 1968. L’écrivain avait elle-même très librement adapté en 77 dans son film « Baxter, Vera Baxter » et il n’est pas étonnant que Jacquot s’abreuve à cette source d’inspiration puisque dans les années 70 il a été un des proches de Duras, endossant même le costume de son assistant sur 3 films : « Nathalie Granger », « La femme du Gange » et « India song ». Mieux, c’est Marguerite Duras elle-même qui avait évoqué avec Benoît Jacquot la possibilité qu’il livre sa version de la pièce au début des années 90, peu de temps avant la disparition de l’auteur de « L’amant ».

Rappelons au passage que d’autres cinéastes se sont penchés sur son œuvre : Jean-Jacques Annaud évidemment en 2002 mais aussi René Clément en 1958 avec « Barrage contre le Pacifique » tout comme Rithy Panh en 2008. Citons encore « Dix heures et demi du soir en été » de Jules Dassin en 1966 ou « La douleur » d’Emmanuel Finkiel en 2017…

Cette nouvelle adaptation de la pièce de théâtre de Marguerite Duras témoigne en premier lieu de la protéiformité de l’œuvre de cette écrivaine et cinéaste. Le non moins réussi Vera Baxter était, lui aussi adapté de cette pièce. On se souvient de son unique thème ...

Si l'on n'aime pas Duras, inutile de regarder ne serait-ce que cinq minutes de ce film. Mais si l'on est sensible aux mots de Marguerite, à leur petite musique répétitive et forcément envoûtante (même si elle peut se révéler légèrement soporifique), on se laissera emporter ...